Laurent-Désiré Kabila, troisième Président de la République démocratique du Congo (1997-2001) qui a pris le règne en mettant fin à la dictature de trente-deux ans du Maréchal Mobutu, est mort, assassiné dans son bureau le 16 janvier 2001.
Vingt-quatre ans après sa mort tragique, qu’est-ce que les habitants de la capitale congolaise retiennent de celui qui est considéré comme héros national au même titre que Lumumba ? Les jeunes Kinois, qui pour la plupart étaient encore enfants à cette époque, se souviennent de leur Mzee (le sage en Swahili) et saluent son héroïsme. Mais avant, tâchons de répondre à la question : Que s’est-il passé le 16 janvier 2001 à Kinshasa ?
Tué par un simple soldat de base
C’était un certain mardi aux environs des après-midis. Kinshasa garde encore la ferveur des fêtes du nouvel an. Et le Chef de l’État travaille dans son bureau situé au Palais de marbre, sur les hauteurs de la ville. Selon Francis Kpantidé, qui à l’époque s’était confié chez Jeune Afrique, Mzee avait accordé quelques audiences dans la matinée. À l’heure du déjeuner, il reçoit Mota, son conseiller économique qui doit l’accompagner le lendemain à Yaoundé (Cameroun) où il devrait participer au XXIe sommet France-Afrique.
Juste avant 14 heures pétantes, un jeune soldat, un kadogo – soit un simple soldat de base – connu sous le nom de Rachidi demande à voir le Chef de l’État pour lui présenter ses civilités. Il pénètre et se dirige vers le Président Kabila, dégaine son arme et lui tire à bout portant. Mzee est à terre, se vidant de son sang. Deux balles l’ont touché : l’une l’a perforé le cou et l’autre le bas-ventre.
Le conseiller Mota se mit à crier pour alerter la garde. Le colonel Eddy Kapend, qui est le chef d’État-major particulier du Chef de l’État, fait irruption, accompagné de quelques soldats. Ces derniers découvrent Mzee qui agonise et Mota à ses côtés tentant de le ranimer. Pendant ce temps, le tueur cherche à prendre la poudre d’escampette mais il est vite rattrapé par la garde qui l’abat.
Le Président est mort à «101 %»
La panique envahit le Palais de marbre. Dans cette atmosphère, les militaires vont faire venir un hélicoptère de l’aéroport international de N’djili pour transférer le Président blessé à la clinique de Ngaliema. Après des rumeurs annonçant sa mort, le ministre de la Communication de l’époque, Sakombi, atteste qu’il est encore vivant. Ironie du sort, la première indication sérieuse de la mort du Président vient de Kampala, alors réfractaire à Kinshasa en ce temps-là. Les services de sécurité du Président Museveni propagent la nouvelle aux agences de presse: Laurent-Désiré Kabila serait mort à « 101% ».
La confirmation officielle, donc congolaise, interviendra quelques heures plus tard. C’est le ministère de la Communication lui-même qui l’approuve en déclarant un deuil national.
Les Kinois se souviennent encore
Chaque 16 janvier est une journée chômée et payée en RDC. Les Congolais commémorent la mémoire du défunt Chef d’État aux prouesses d’un vaillant héros national. Il faut retenir que les dernières années de Mzee à la tête du pays étaient marquées par un isolement sur le plan diplomatique après qu’il a détourné le dos aux occidentaux dénonçant leur impérialisme. Nombreux aujourd’hui se souviennent encore de sa phrase illustre : « Ne jamais trahir le Congo ». Pour beaucoup, c’est l’une des causes de sa mort.
Doctorant en relations internationales mais également partisan du Mouvement de libération du Congo (MLC), Christian Bule voit en Laurent-Désiré Kabila une figure de proue de la révolution congolaise dont l’action révolutionnaire a impacté l’histoire de la RDC sur le plan politique surtout celui lié aux idées de l’indépendance économique et de la souveraineté. « Sa mort tragique nous a laissé perplexe et a ouvert une brèche béante à une transition politique marquée par des tumultes et guerres internes dérisoires en rapport avec le partage du pouvoir », pense le jeune doctorant qui a répondu à nos questions.
Pour un autre jeune, ancien président des étudiants de l’Université de Bandundu (UNIBAND) Emmanuel Ngamayama, Mzee est une preuve d’un « nationalisme rompu, épris d’amour pour le Congo ». Ce jeune licencié en droit retient du troisième président de la RDC comme le premier à faire des études supérieures et universitaires et avait une vision éclairée sur les principaux idéaux de gouvernement de l’État. Cependant, se plaint-il, à l’instar de celle de Lumumba et d’autres martyrs congolais, son histoire n’est quasiment pas racontée à la nouvelle génération et son héritage tend vers la déliquescence.
« Je retiens de cet homme, le nationalisme traduit par cette expression devenue un véritable maxime pour le Congolais. Ne jamais trahir le Congo », se réjouit Plamedi Wala, jeune en journalisme, mais qui reconnaît également que son avènement au pouvoir a ramené la rébellion au pays avant comme après sa mort ; alors que son collègue de classe, Bruno N’saka le combat de Kabila se traduit mieux à travers l’hymne national – Debout Congolais – dans la mesure où c’est Kabila qui l’a ramené en tant que tel, alors qu’il était chanté comme hymne de l’indépendance avant d’être remplacé par Mobutu, son prédécesseur.
Quoique l’on pense et quoique l’on puisse dire de Laurent-Désiré Kabila en prenant en compte ce que l’homme pourrait avoir comme défaut, l’on oubliera jamais qu’il a servi son pays jusqu’au bout. Il restera à jamais la preuve d’un amour inconditionnel que tout citoyen doit avoir envers son pays, un modèle de toute une nation.
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